Accents sur les majuscules / capitales
   

Sources :
Lexique des règles typographiques en usage à l'Imprimerie nationale, p. 12
Guide du typographe (Groupe de Lausanne de l'Association suisse des typographes), p. 40
Le Ramat européen de la typographie (Aurel Ramat - Romain Muller), p. 10-11
Règles de l'écriture typographique du français (Yves Perrousseaux), p. 70-73 et 111
Orthographe et typographie françaises (Jean-Pierre Lacroux), p. 69-73 et 239
Petites leçons de typographie (Jacques ANDRÉ), p. 13-14
(ouvrage téléchargeable gratuitement sur internet, voir la rubrique «Bibliographie» ci-contre)


Petite précision : majuscule, capitale, quelle différence ?

   

Le Ramat européen de la typographie considère que ces deux termes sont synonymes, et estime que faire une différence entre eux est «une nuance inutile et artificielle, qui complique les choses.» Il est vrai que dans la question qui nous occupe présentement de savoir s'il convient ou non d'accentuer ces lettres, cette nuance n'a pas grande importance. Aussi, afin d'éviter d'alourdir le texte, nous n'emploierons ici que le terme majuscule, étant entendu que les règles énoncées s'appliquent aussi bien aux majuscules qu'aux capitales (à l'exception d'une curieuse prise de position du Guide du typographe, que nous aborderons plus loin).

Toutefois, pour qui souhaite en avoir le cœur net, l'exemple ci-dessous, tiré de Petites leçons de typographie, permet de saisir très facilement la différence :

«[...] distinguo entre majuscule (linguistique) et capitale (typographique) :
dans VICTOR HUGO il y a 10 capitales dont 2 majuscules
     
(extrait de Petites leçons de typographie, p. 14, note 15)

Faut-il accentuer les majuscules ?  
   

Dans les six ouvrages cités plus haut, on trouve une abondante documentation sur les divers aspects de la question (historique, typographique, dactylographique, orthographique) et tous (à l'exception déjà mentionnée du Guide du typographe, qui fait cavalier seul sur un point que nous évoquons plus loin) apportent une réponse claire et nette : oui, il faut accentuer les majuscules !

En effet, n'en déplaise aux détracteurs des majuscules accentuées, il n'y a, à l'heure actuelle et grâce à l'informatique, plus aucune raison valable de se priver des accents sur les majuscules, et il s'agit de bien se rendre à l'évidence que même si l'omission d'un accent sur une majuscule n'est qu'assez rarement source d'une interprétation erronée de la signification d'un texte, elle n'en constitue pas moins, et ce dans tous les cas, une faute d'orthographe.

Voyons par exemple ce qu'en dit le Lexique des règles typographiques en usage à l'imprimerie nationale :

En français, l'accent a pleine valeur orthographique. Son absence ralentit la lecture et fait hésiter sur la prononciation, sur le sens même de nombreux mots. Aussi convient-il de s'opposer à la tendance qui, sous prétexte de modernisme, en fait par économie de composition, prône la suppression des accents sur les majuscules. On veillera à utiliser systématiquement les capitales accentuées, y compris la préposition À. On évitera ainsi de désorienter le lecteur ou même de l'induire en erreur comme dans les deux exemples suivants, si les accents étaient omis :
     
ENFANTS LEGITIMES et ENFANTS LÉGITIMÉS de Louis XIV
     
ETUDE DU MODELE et ÉTUDE DU MODELÉ
     
(extrait du Lexique des règles typographiques en usage à l'imprimerie nationale, p. 12)

Mais venons-en au Guide du typographe, qui est le seul à distinguer deux cas de la façon suivante :
 

On ne met pas d'accent à la lettre initiale (majuscule) d'un mot écrit en minuscules :

       
Ame Ere Etude Evénement
       
Emile Etat Eve Ilot
       
En revanche, on met les accents dans un mot ou une phrase entièrement en capitales :
 
AVÈNEMENT ÉMILE GOÛT HÔTEL
       
DÉJÀ ÉVÉNEMENT HÉROÏQUE THÉÂTRE
       

(extrait du Guide du typographe, p. 40)

 

On se perd un peu en conjectures quant aux raisons qui ont poussé le Guide du typographe à préconiser l'absence d'accent lorsque seule l'initiale d'un mot est en majuscule, et dès lors que, par chance (car c'est loin d'être toujours le cas), les autres ouvrages sont d'accord sur l'emploi généralisé de l'accent sur toutes les majuscules (exception faite du cas épineux et controversé de l'emploi des accents sur les abréviations et les sigles, nous omettons volontairement ce sujet qui nous entraînerait trop loin dans ce qui se veut un aide-mémoire pratique), il nous semble raisonnable, car logique, cohérent et facile à retenir, d'opter résolument pour l'accent sur les majuscules en toutes circonstances, partout et toujours.

Cela dit, pour qui attache tant soit peu d'importance à la mise en forme et à la présentation d'un texte quel qu'il soit, se fait jour le paradoxe suivant : à l'heure actuelle, où grâce aux progrès fulgurants de l'informatique nous disposons, mais sans savoir nous en servir, d'outils typographiques plus puissants que jamais, force est de constater que la plus grande gabegie prévaut dans quasiment tous les domaines ayant trait à l'écriture, tels que la presse, l'internet, la publicité, l'administration... et pendant ce temps, la typographie est de plus en plus dédaignée, la plupart des gens s'imaginant, bien à tort, que les logiciels de traitement de texte actuels remplacent avantageusement le savoir-faire du typographe. Mais lorsque l'on constate que le logiciel de traitement de texte le plus répandu au monde (suivez mon regard) ignore purement et simplement le terme d'espace fine insécable, on se dit qu'il y a encore du chemin à faire !

On assiste ainsi à des choses amusantes, par exemple le nouveau logo, depuis quatre ou cinq ans, de la République et canton de Genève. Celui-ci, qui pendant des décennies (des siècles ?) avait pris grand soin de s'écrire «RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE», se décline désormais, au quotidien et par milliers d'exemplaires, en «REPUBLIQUE ET CANTON DE GENEVE», deux fautes d'orthographe en cinq mots...